Le retour des réfugiés.

Dès octobre 1918, des réfugiés belges souhaitent retrouver leurs foyers et se mettent en route vers le Nord, suite « aux brillants succès remportés par les armées belges et alliées ». Le gouvernement belge « les met en garde contre toute précipitation » (Toutes les archives ci-dessous sont extraites des ADCO série SM 930)

Courrier du ministère de l’Intérieur du 19 octobre 1918 adressé à tous les préfets relayant les instructions du gouvernement belge

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Plus tard, la liste des communes belges qui ont été très marquées par les combats et en partie détruites est établie. On retrouve la région de nos correspondants flamands.

Communes pour lesquelles le rapatriement peut être différé Continuer la lecture de Le retour des réfugiés.

Les poilus en transit ou permission à Dijon.

Le Poilus Palace est une cantine pour les permissionnaires, un lieu de repos situé à la gare de Dijon. C’est l’Office central qui ouvre la cantine le 14 avril 1916. Cela est rendu nécessaire par le fait que quotidiennement plus de 10 000 permissionnaires transitent par Dijon et doivent attendre leur correspondance parfois de longues heures. Ce lieu comporte une salle de consommation, une salle de repos, des lavabos, une salle de lecture et des consignes de petits colis. C’est un magnifique local aux dimensions considérables élégamment décoré ouvert jour et nuit sans interruption. Le Poilus Palace peut accueillir jusqu’à 500 poilus dans un lieu de propreté. Le service de la cantine nécessite 40 personnes qui assurent à plein temps le service du bâtiment.

Il a une réputation très méritée. Les soldats et les officiers peuvent faire part de leurs réflexions dans un livre d’or. C’est un document original qui permet de saisir sur le vif les sentiments, les joies, les peurs et les attentes des soldats.

Nombreux sont ceux qui expriment en termes touchants leur reconnaissance dans le livre d’or, comme ici :

« Après 24 mois de front, je trouve enfin une organisation intelligente et bienfaisante qui soigne le brave poilu comme il le mérite ». Pour de très nombreux soldats, le Poilus Palace est donc un lieu de trêve inespéré et particulièrement apprécié.

Salle de repos du Poilus-Palace

source: Archives des ADCO
source: Archives des ADCO

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Ce que dit cet autre poilu le confirme :

« Cette cantine est la seule œuvre intelligente et généreuse que j’ai trouvée dans la vie militaire ».

En effet, le contraste entre l’horreur de la guerre et ce qu’offre le Poilus Palace fait naître des émotions que les soldats n’avaient pas ressentis depuis le début de la guerre.

« Je n’ai vécu que deux jours dans cette guerre, et ce fut au Poilus Palace »

Les soldats américains de passage sont aussi très satisfaits de l’accueil. « I congratulate those that have produced this result »

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Certains ont un français impeccable : « j’envoie à tous les organisateurs de la cantine de Dijon et à toutes les œuvres similaires mon plus reconnaissant souvenir et plus tard lorsque je serai assis au foyer familial là-bas, en la lointaine Amérique, il me sera doux de songer aux heures de repos et de calme qui nous furent prodiguées par vous tous ».

L’ambiance accueillante du Poilus Palace, si rare en temps de guerre, amène les poilus à se confier sur leur peur et lassitude de cette guerre qu’ils jugent interminable dans le livre d’or.

Par exemple à la page 28, on peut lire un poilu découragé qui ne voit plus la fin de cette guerre :

« Le bonjour d’un poilu qui va se faire casser la gueule sous peu ».

Ou encore ici, sous forme d’un tercet, un soldat a perdu ses valeurs patriotiques après avoir connu l’horreur de la guerre :

« Ma mère m’a donné la NaissanceMa femme la JouissanceEt la France la Souffrance »

Mais si les soldats sont découragés, une haine contre les “embusqués” se développent également. Les “embusqués” étaient des soldats qui bénéficiaient de postes à moindre risque, par exemple un poste dans une gare, ne connaissant donc pas le traumatisme du combat. On ressent donc la colère des poilus dans ce livre d’or, comme ici : « Beaucoup trop d’embusqués » « Si à ma 3ème perme, je retrouve les mêmes embusqués, les poilus du front se chargeront de les débusquer ». Les soldats ressentent une injustice également pour ce qu’ils appellent les « profiteurs de guerre ». Ces derniers appartiennent aux élites de la société, comme les politiques et les industriels. En effet, ils dirigent la guerre sans la connaître, et parviennent même à s’enrichir. Nous le lisons d’une autre façon page 95 :

« Il faudrait abattre les grosses têtes pour faire finir la guerre ». Cette violence quotidienne fatigue les soldats, et si certains sont découragés, d’autres demandent la paix : « La Paix SVP » « Je demande la paix et au plus vite ». En effet, les soldats sont lassés et veulent rentrer chez eux. « Un artilleur… qui en a marre de cette maudite peste qu’est la guerre et voudrait voir une fin ». « Vivement la fin de la Guerre, j’en ai marre » Ils veulent faire partager l’horreur de la guerre qu’on ne peut comprendre :« Vivement la fuite. 48 mois d’Horreur. La vie n’est qu’un passage et ceux qui veulent y croire n’ont qu’à venir à votre place ».

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Mort aux vaches, la classe 17 crève de faim, laisse des pauvres gosses dans la misère. A bas les embusqués. Mort aux vaches et aux enculés.”

Ci-dessous, la page sur laquelle était marqué le message précédent :

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ADCO 6 ETP 69

 

 

 

 

 

La propagande et le combat contre les Allemands amènent une véritable haine contre eux et l’expression d’un patriotisme assumé. On retrouve dans le livre d’or des passages qui montrent le mépris des poilus pour les soldats ennemis, comme dans cette citation ci-dessous où l’hymne allemand est repris avec ironie :

« France immortelle – Frankreich Über alles » “Nous aurons les fritz”

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L’esprit de camaraderie fait bien sur partie du quotidien des soldats français, qui cherchent à rendre hommage à leurs coéquipiers et parfois amis, morts pendant la guerre « Gloire aux camarades tombés glorieusement pour la France ». 

 Quelques poèmes

Certains poilus retranscrivent leurs émotions ressenties durant la guerre à travers la poésie. Ici, le traumatisme du front est clairement perceptible dans cet extrait de sonnet composé par un soldat soucieux de faire partager son expérience de l’Horreur :

« Oui, de sa note tremblante

Je me fais l’heureux traducteur

Et je vous jure, gai lecteur

Que je dirais dans la tourmente

Du plomb et du fer destructeurs

Que ce Merci monte du cœur »

D’autres composent de manière beaucoup plus libre et expriment des bons sentiments à la fois de camaraderie mais aussi de confiance dans la prochaine victoire.

« C’est ici que l’on respire

La bonne camaraderie

Avec les troupes d’Afrique

Nous sommes tous très bons amis

Nous avons bu un bon bouillon

Mais ce n’est pas celui des Boches

Croyez que nous les aurons

Car moi je suis un bon apôtre »

 Si certains poilus mettent la poésie au service de leurs tourments, d’autres l’utilisent pour exprimer la satisfaction d’avoir trouvé un lieu paisible dont ils sont reconnaissants :

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Si les vers pouvaient permettre aux soldats de se libérer, certains ont trouvé refuge dans des dessins :

“On les aura comme une fleur entourée de crayssons”

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D’autres ont la nostalgie de leur ville d’origine. Ici des Cannois qui représentent les bateaux, les palmiers de leur ville.

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En Côte d’Or la gare de Dijon n’est pas la seule à organiser un accueil pour les soldats revenant à l’arrière. La ville de Beaune met en place aussi un « foyer du soldat ».

Règlement du foyer de la ville de Beaune

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L’objectif de « cette œuvre » est de « procurer à tous les soldats de la garnison et ceux de passage, un lieu de repos et de tranquillité où ils ont à leur disposition papier à lettres, cartes postales, livres, journaux, jeux divers ainsi que des consommations qui leur sont fournis à prix réduit. Un concert leur est donné chaque jeudi à l’issue duquel une tombola gratuite est tirée. Elle comprend plusieurs lots, chaussettes, cache-col, manchettes, pipes etc… ». Ce sont des subventions municipales et des dons privés qui assurent le bon fonctionnement du lieu.

A Auxonne aussi il y a une œuvre semblable.

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Il est intéressant de noter que les femmes occupent les fonctions de présidente, vice-présidente, trésorière et secrétaire de cette œuvre. L’objectif est de distraire les militaires pendant les heures oisives. Des concerts sont donc donnés.

Livret du concert du 26 mai 1918

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Cette festivité est placée sous la présidence du major Mac-Lean de l’armée américaine. Le programme alterne des chansons patriotiques, « Patrie », des chansons de troupe, « J’adore les brunes », des pièces de théâtre divertissantes, « Cyrano de Bergerac aux tranchées », « l’oncle Ratondu ». Ces différents numéros sont accompagnés par des pianistes madame Bessan, mesdemoiselles Dagnan et Jacquier.

Programme du « Grand Concert du 26 mai 1918

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ADCO SM 9082

Enfin des œuvres essaient d’améliorer le quotidien des soldats au front ou alors quand ils sont blessés. A Dijon, il y a l’œuvre du Petit Paquet qui envoie des colis aux soldats locaux présents dans les tranchées. Les soldats à l’hôpital bénéficient de concerts gratuits. D’autres concerts sont donnés afin de récolter des fonds.

Action de l’œuvre de récréation aux blessés

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