Mémoire des soldats russes en France.

Un mémorial aux soldats du Corps expéditionnaire russe qui ont combattu en France lors de la Première guerre mondiale a été inauguré à Courcy le 26 avril 2015. Créée par le sculpteur Alexander Taratynov, l’œuvre figure un soldat russe tenant dans ses bras une fillette française et un ours en peluche en référence à l’ours Michka, la mascotte du Corps expéditionnaire.

 

Mémorial de Courcy (Collection Andreï Korliakov)

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Beaucoup d’entre eux sont volontairement partis au front ou ont essayé d’aider l’arrière de différentes manières. En dehors des initiatives individuelles, une contribution importante pour soutenir l’armée et le peuple, qui se trouvaient dans une situation difficile, a été apportée par les organisations sociales déjà existantes ou nouvellement créées.

La famille du tzar n’est pas restée en retrait. Le 14 septembre 1914 sur l’initiative de la Grande Princesse Tatiana Nikolaïevna, une organisation appelée « Comité de Tatiana » a été créée.

Portrait officiel des grandes-duchesses Olga, Tatiana, Maria et Anastasia en 1916

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http://www.livadia.org/

Elle a existé sous sa direction jusqu’en février 1917. Elle était chargée d’aider financièrement les victimes, de retrouver les membres des familles, d’envoyer les réfugiés dans des lieux de résidence permanents, de trouver les emplois pour les personnes valides, de placer les invalides dans des hôpitaux, hospices et refuges, d’envoyer les enfants dans des écoles, ainsi que créer des abris et refuges.

A la tête du Comité se trouvait A.B.Neidgart, alors que son Altesse Tatiana Nikolaïevna avait pris le poste officiel d’honorable présidente.

A partir de l’automne 1914 les réfugiés dans le besoin recevaient de l’aide financière à caractère occasionnel approuvée le 14 Septembre 1914 par l’accord du Comité de la Grande Princesse Tatiana Nikolaïevna pour fournir une assistance temporaire aux victimes des campagnes militaires, celui-ci étant un acte législatif sur l’organisation de la gestion des réfugiés en Russie.

A partir de sa création jusqu’à août 1915 « le Comité de Tatiana » était l’organisme central de protection des réfugiés en Russie, il bénéficiait du soutien du gouvernement et de larges subventions publiques, ainsi que d’une partie des collectes dues aux récoltes nationales et des dons privés. Peu après, le Comité a créé des départements provinciaux dirigés par les gouverneurs locaux dans les zones frontales, puis à travers tout le pays, devenant la plus grande organisation sociale caritative d’aide aux réfugiés.

Le Comité et ses départements géraient d’importantes fonctions de coordination au centre et sur place, ayant en sa composition des représentants de toutes les parties concernées, s’occupant de la cause des réfugiés, et dépensant plus de la moitié des ressources pour financer d’autres organisations de réfugiés y compris les collectivités nationales. Afin d’aider les réfugiés l’administration locale et les organismes autonomes, la Croix-Rouge et le ministère de la Défense, ainsi que de nombreuses associations caritatives ont été également impliqués.

On peut révéler la nature des activités concrètes de ses organisations en se référant à l’exemple de la province de Kovenskaïa, où les premiers réfugiés sont apparus peu après la déclaration de la guerre, venant principalement des provinces avoisinantes. Leur nombre était très peu élevé, c’est pourquoi leurs besoins ont été pris en charge par la population locale et les associations caritatives existantes.

A partir de janvier 1915, le département Kovensky  du « Comité de Tatiana » a été à la tête des affaires de réfugiés. Les vagues de réfugiés plus importantes sont apparues en février 1915, quand certains villages des provinces se trouvant à la frontière ont été incendiés par l’ennemi. La plupart des réfugiés se sont installés d’eux-mêmes chez leurs parents et connaissances aux limites de la province, les autres ont été aidés par le gouvernement local pour se loger dans des chambres, de plus tous ceux qui en ont eu besoin ont reçu des fonds du «Comité de Tatiana» des allocations financières pour l’alimentation à compter 15-20 kopecks journaliers pour chacun, certains même ont pu bénéficier de l’octroi d’allocations financières uniques pour l’acquisition des vêtements, paiement du loyer etc. Pour ces réfugiés des cantines dont les denrées étaient fournies par le ministère de la Défense ont été ouvertes, pour ceux qui souhaitaient quitter les limites des provinces une distribution d’aide pour les frais de voyage a été organisée.

Les départements régionaux du « Comité de Tatiana » octroyaient des allocations financières aux évacués, en premier lieu aux employés subalternes, qui sont littéralement « tombés dans la misère, se trouvant avec leurs familles dans des villes étrangères et sans jouir de leurs salaires depuis des mois ».

A partir de l’automne 1915, les départements locaux du « Comité de Tatiana » ont été réorientés pour secourir des centaines de milliers d’enfants réfugiés, en assurant leur éducation, les soins médicaux et l’éducation des enfants errants. De l’été 1915 au printemps 1917 grâce à son bureau Central d’enquête, gérant l’enregistrement et les recherches des réfugiés, plus de 500 000 réfugiés, dont 20 000 enfants (4 000 d’entre eux seulement connaissaient leur prénom) ont été retrouvés.

Un travail important du Comité ciblait la préoccupation à l’égard des « réfugiés intellectuels » : la distribution des avantages supplémentaires et recherche du travail. On peut justifier cela par le fait que les intellectuels avaient plus de mal que les gens simples à s’habituer à la rude vie des réfugiés, d’un autre côté leurs compétences étaient assez limitées et allaient à l’encontre de la demande de main d’œuvre ouvrière. Il était commun de croire qu’un repas de réfugié, qui suffisait à un paysan, était largement insuffisant pour un homme intellectuel, quant aux épreuves qu’ils traversaient, les intellectuels les ressentaient plus intensément.

D’après les données du département statistique du « Comité de Tatiana », qui s’occupait de la création des cartes d’enregistrement pour les réfugiés dans les régions de placement, la composition nationale des 3,2 millions de réfugiés en Russie se composait de la manière suivante : les Russes – 58,8%, les Polonais – 15,0%, les Lettons – 10,0%, les Juifs – 6,4%, les Lituaniens – 2,8%, autre          (Estoniens, etc) – 7,0%. Mais si on prend en compte les réfugiés caucasiens (presque 13% du nombre total des 3,6 millions de réfugiés) la partie indiquée des Russes diminue jusqu’à 50%. De plus il est important de se rappeler que le terme « Russe » avait un sens général, qui englobait les régions dites la Grande Russie, la Petite Russie et la Biélorussie.

Après février 1917, les persécutions contre le « Comité de Tatiana » ont commencé. Son Altesse a été suspendue de ses fonctions et remplacée par A.B.Neidgart. Le Comité a été renommé en Comité russe d’aide aux victimes de guerre, le financement a été réduit, quelques filiales locales ont été fermées, ce qui a fait baisser l’efficacité du travail.

Les organisations sportives de l’Empire russe ont été d’une grande aide pour le front. Elles ont formé les soldats novices et ont contribué financièrement. Les mobilisations massives pour l’enrôlement dans l’armée, qui se déroulaient fréquemment en Russie depuis le début de la Première guerre mondiale, ont ciblé la question de l’instruction préalable des enrôlés. La question est devenue surtout actuelle après les pertes massives des soldats et officiers subies par l’armée russe en 1914 et pendant la période de la « grande retraite » de 1915. Après avoir perdu la plus grande partie de l’armée aguerrie, le commandement russe a débuté par un appel massif chez les jeunes étudiants qui n’avaient aucune idée de l’art militaire. Le 8 décembre 1915, l’empereur Nicolas II a mis en place « l’état de mobilisation de sport », à la base de laquelle s’est justement déroulée l’instruction préalable des personnes enrôlées dans l’armée.

Conformément à « L’état de mobilisation de sport » dans les villes où il y avait des associations sportives et gymnastiques ou des organisations et établissements éducatifs correspondants, un comité militaire-sportif a été créé pour le temps de la guerre. Dans le cas où la création du comité militaire-sportif sur place était impossible, des association distinctes, organisations ou établissements éducatifs étaient rattachées au comité le plus proche.  Le comité militaire-sportif était composé des représentants du pouvoir administratif et du ministère local, qui géraient les établissements éducatifs. Le but principal d’instruction préalable des jeunes gens était de « faciliter pour les jeunes l’assimilation des savoirs et exigences de la vie en campagne militaire et de la discipline de service, indissociable du développement de l’énergie, du dynamisme et de la prise de conscience de tout futur soldat de son devoir devant le trône et la patrie.

A la fin de l’instruction préalable des enrôlés des commissions spéciales leur faisaient passer des examens d’aptitude, ceux qui les passaient avec succès recevaient du comité militaire-sportif une attestation. Après quoi les jeunes diplômés pouvaient eux-mêmes donner des cours dans des organisations, associations et établissements éducatifs :  ceux qui avaient préparé avec succès au moins 10 personnes devenaient formateurs avec la délivrance d’une attestation adaptée. L’instruction préalable des enrôlés ne les dispensait pas du service militaire, mais permettait d’avoir certains avantages dans le cas d’engagement dans l’armée et dans le cas de récompenses militaires.

Comité militaire sportif

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Le comité militaire-sportif était composé également des représentants des associations sportives et gymnastiques, du ministère de la Défense, du pouvoir administratif. Le comité s’occupait de détecter les personnes souhaitant effectuer l’instruction préalable, trouvait des locaux pour donner les cours, récoltait les fonds nécessaires, surveillait le déroulement de la formation, formait les commissions pour les épreuves finales, délivrait les attestations etc. Tous les comités militaires-sportifs étaient aux ordres du haut-surveillant, et tous ses membres travaillaient gratuitement. Les tâches journalières du comité étaient gérées par un chef et ses deux adjoints choisis lors des réunions, les fonds du comité provenaient des dons des établissements, associations et organisations de charité et des sommes accordées par le haut-surveillant pour les dépenses dues au courrier, de la fourniture de bureau et de l’intendance.

Le 31 janvier 1916, le Ministère des affaires intérieures s’est adressé aux gouverneurs leur demandant de « prendre des mesures immédiates pour informer en tout lieu la population » ainsi que la création des comités militaires-sportifs et l’introduction de la formation préalable à l’enrôlement. Le travail informatif était attribué aux policiers et contrôleurs. D’après les « Directives des comités militaires-sportifs » ils devaient « voir leur activité comme un devoir patriotique devant sa patrie, se trouvant dans une situation difficile » et « mettre toute leur énergie pour introduire l’idée de mobilisation sportive de la meilleure façon et rapidement. Quant aux comités, ils étaient dans l’obligation d’informer régulièrement le haut-surveillant de ses démarches, faire des rapports sur ceux qui avaient terminé les formations correspondantes. Les activités des comités ont reçu l’approbation du haut-surveillant, qui a formulé le but principal de la préparation préalable à l’enrôlement ainsi : « Engendrer des gens sains, forts d’esprit et de corps, courageux, agiles et endurants, connaissant les bases du service militaire indiqués et décrits dans les manuels de la mobilisation sportive ». La formation comportait une préparation théorique et des cours pratiques – les exercices gymnastiques, la course, le maniement des armes, connaissance du texte du serment, l’apprentissage du guerrier avant la bataille et les devoirs de troupier dans les troupes employées, que les futurs soldats devaient connaître par cœur.

Dans la deuxième moitié de 1916, les comités devaient également résoudre différentes questions : le tri des formateurs, l’acquisition des fusils d’apprentissage et de différents équipements, collecte des fonds, mise au point des programmes d’apprentissage etc.

En 1917, suite aux problèmes financiers, les dépenses pour la formation préalable ont dû être réduites au strict minimum. Peu de temps après, le président du Conseil des ministres le prince Lvov a proposé d’arrêter tout court les formations futures. Durant l’été 1917, l’activité de la plupart des comités militaires-sportifs s’est arrêtée faute de moyens, puis en janvier 1918, ils ont été transmis à l’Administration de l’approvisionnement de l’artillerie.