[Rencontre] Gabriel, un héros peu ordinaire – Nathan Schneider

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Gabriel Eyraud témoigne dans le temple, 13 octobre 2016. Photo : C. Clergue

Je vais vous parler de la résistance sur le Plateau1 à travers l’histoire de Gabriel Eyraud, dont nous avons reçu le témoignage lors de notre visite du lieu de mémoire situé au Chambon sur Lignon.

Originaire de ce village emblématique du « Plateau » comme on dit en Haute-Loire, il est né en 1924 et a donc  92 ans cette année. Il était âgé de 20 ans à la fin de la guerre. Il faisait partie des jeunes désignés pour le STO (service de travail obligatoire) ; il s’agissait des jeunes Français qui étaient obligés d’aller travailler en Allemagne, ce qui permettait de priver la France de ses jeunes actifs et travailleurs pour l’empêcher d’être productive, réactive et de former des groupes de jeunes résistants, plus dynamiques que les autres. Gabriel Eyraud était donc un réfractaire au STO qui a dû se cacher; il s’est par conséquent engagé dans un maquis2 en Ardèche, à St Clément.

Il y avait là au total 1200 personnes mais étalées sur plusieurs maquis, qui n’étaient pas encore fédérés à l´époque, mais qui le seront cependant par la suite, pour être plus efficaces et mener des actions plus lourdes. Le jeune homme n’était pas très utile au maquis mais avait la qualité d’être très volontaire. Sur place, il rencontra un maquisard3 juif originaire du Chambon. Il lui parla de la compagnie de réception de parachutages du Plateau et l’y fit entrer, c’était en 1944. Cette compagnie, nommée YP et regroupant entre 30 et 60 maquisards, venait d’être créée par Virginia Hall, Diane de son nom de code, une agente secrète américaine. Gabriel a donc aidé au déplacement de 22 colis (selon les documents historiques, 23 selon lui) arrivant par avions d’Angleterre et d’Algérie ainsi qu’à la redistribution du matériel non seulement sur le Plateau mais aussi sur tout l’espace avoisinant, le Plateau était en fait un hub de réception.

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Gabriel Eyraud et les élèves. Photo : C. Clergue

Il y avait plusieurs sortes de parachutages : des parachutages d’armements, contenants des armes, des explosifs, des munitions mais aussi des parachutages de matériel civil et de vivres, contenants des vêtements, des cigarettes, des biscuits, etc… Mais aussi d’officiers dont le rôle était de former les maquisards à utiliser le matériel qui leur était fourni.

À partir d’ici, les documents et le témoignage de Gabriel divergent. Selon les documents, Virginia Hall aurait quitté le Chambon en septembre 1944, accompagnée de 16 hommes de la compagnie YP qui iront s’engager dans l’Armée de la Libération, notamment dans la campagne des Vosges, cela après la libération de la Haute-Loire. Selon Gabriel, un groupe de 10 maquisards dont il faisait partie aurait eu pour mission d’aller réceptionner un colis dans les Vosges ; seulement, ils apprirent que le travail avait déjà été fait par une compagnie anglaise. Virginia proposa alors au groupe de s’engager dans l’armée officielle : 6 ont accepté et les 4 autres sont rentrés au Chambon. Une fois arrivés au centre de recrutement du Jura, les 6 ont été refusés à l’entrée du RCCC4. Gabriel ira finalement en Alsace.

Pour conclure, on peut donc ici voir qu’en histoire, les écrits et les témoignages des personnes ayant vécu événement peuvent diverger voire, comme ici, être relativement opposés .

Je pourrais également rajouter que Gabriel n’a caché des Juifs qu’au tout début de la guerre, engagé dans un réseau de résistance civile, puis s’est ensuite tourné vers tous les événements énoncés plus haut qui constituent une résistance armée. D’autre part, pour l’anecdote, c’est ainsi que Gabriel nous l’a présenté, lorsque Virginia Hall est arrivée au Chambon, tous ont cru qu’elle avait raté un parachutage, s’était blessée et cherchait là refuge pour se remettre. En effet, la condition de la femme n’était pas à cette époque ce qu’elle est aujourd’hui. Au final, Virginia, qui avait 38 ans en 44, a su se faire entendre et respecter de tous les habitants du Plateau, qui la surnommaient « la madone » et accomplir la mission qui lui avait été donnée : transmettre des informations sur les mouvements de résistance présents et mettre en place la réception des parachutages alliés. Elle créa donc la compagnie YP dont Gabriel fit partie.

Nathan Schneider


Il s’agit d’un plateau en campagne, à l’écart de tous les espaces urbains, la ville la plus proche étant Lyon à 120 km. C’est un centre d’accueil de réfugiés que ce soit des réfugiés espagnols, réfractaires au STO ou encore juifs. Il est l’un des 4 lieux au mondes à avoir reçu de la part d’Israël un diplôme collectif de Justes parmi les Nations, diplôme remis à quiconque a sauvé/caché un ou plusieurs Juifs durant la seconde Guerre mondiale. Le nombre de personnes ayant réalisé un tel acte étant tellement élevé sur le Plateau, il fut impossible de décerner des diplômes individuels.
Le terme vient du Corse, où il désigne des taillis des broussailles, plus précisément un ensemble touffu d’arbustes et de plantes diverses occupants de vastes étendues. Le mot « maquis » a donc été retenu pour parler des groupes de résistants qui se cachent dans les forêts. On ne parle donc de maquis qu’à partir de 1942, où ils commencent sérieusement à se développer, et uniquement en milieu rural. On ne peut pas trouver de forêt ou se cacher correctement, à l’écart des autorités, en milieu urbain et par extension on ne peut donc pas trouver de maquis.
Membre d’un maquis.
Régiment Colonial de Chasseurs de Chars. Créé le premier Juin 1943 à Thiès au Sénégal sous le nom de 2ème Régiment Colonial de Reconnaissance (RCR 2), au sein de la 2ème Division Coloniale d’Infanterie (2ème DCI) qui deviendra en juillet la 10ème DCI. Le 6 octobre 1943, devient à Casablanca le Régiment Mixte de l’Infanterie Coloniale de l’Afrique Occidentale Française (RMIC AOF). Devient donc le RCCC le 1er Mars 1944. En 1959, le régiment deviendra le 1er Régiment Blindé d’Infanterie et de Marine (1er RBIMa) avant d’être dissout le 28 février 1963. Le RCCC participera grandement à la libération de l’Europe à la fin de la 2ème  Guerre mondiale.

4 réflexions sur « [Rencontre] Gabriel, un héros peu ordinaire – Nathan Schneider »

  1. Quelques précisions :

    Note 1 :… »la ville la plus proche étant Lyon, à 120km « … non , la ville la plus proche est Le Puy en Velay , à 44 km et Saint-Etienne , à 65 km…

    le nom de code de Virginia Hall était “Diane“ et il est vrai que l’ovale de son visage qui la faisait ressembler à celui de la mère du Christ , Marie, telle que les peintres et les sculpteurs l’ont portraiturée dans l’iconographie religieuse, a incité les gens du Plateau à la surnommer « la madone ».

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