[Poésie] Uri Orlev

Une sirène longue, au loin
Un sifflement long, au loin
Le train bouge, plein de cris
Le train bouge, stridence et craquements
Il avance, lentement d’abord, puis prend de la vitesse
Où vont ces gens entassés cruellement ?
Le train s’en va, il reviendra, et ira encore,
Sur la même voieMais ces voyageurs-là il les cherchera en vain
A la station de départ ils ne reviendront jamais
Leurs bourreaux les ont chargés de force dans le train
C’est leur dernier voyage. Femmes, hommes, enfants
Aucun d’entre eux ne se leurrait
Jamais le soleil, ou quoi que ce soit, il ne reverrait
Car comme des bestiaux vers la mort on les pousse,
Elle les attend.
Les condamnés à mort geignent en silence,
Puis à voix haute
Ils expirent dans l’obscurité triste du grand wagon.
Et au-delà des misérables planches en bois des
Véhicules
La liberté sans limite circule
Là où les gens normaux sont appelés les « Polonais »
Ici, les gens sont les mêmes, mais on les nomme
« Les Juifs »
Ceux-là vivent libres, à l’extérieur
Jouissant de chambres contenant tout le nécessaire
Et ceux-ci sont entassés
Encore vivants maintenant, cadavres sous peu
Dieu, où est la justice, où est la loi ?
Quand ceux-ci se meurent et ceux-là se promènent
En vie.
Et j’entends, tous les jours, toutes les nuits
Les sirènes, les respirations de la locomotive
Se déplaçant
Et tirant des wagons pleins de gens, elle galope
Mugit et siffle, dégageant de la fumée, se dépêchant
Et tout autour il y a de moins en moins de gens
Le vide et le silence les remplacent

Et à Treblinka les cadavres s’entassent.

Uri Orlev avait 13 ans et était à Bergen-Belsen depuis un an lorsqu’il écrivit quinze poèmes.

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