Se rapprocher des déportés mais sans jamais pouvoir se mettre à leur place – Clément Bezier

Un projet de devoir de mémoire mais également de préparation à l’horreur des camps.

Tout d’abord avant le voyage , lors de nombreuses rencontres à l’occasion de conférences, on pouvait souvent entendre dire que la visite des camps serait quelque chose de très difficile et compliqué, et qu’il fallait donc s’y préparer. Je me rappelle encore entendre dire qu’on en reviendrait changé !

J’appréhendais donc les émotions que pourrait provoquer en moi la visite d’un tel lieu d’horreur. Une appréhension qui fut à son apogée lorsque l’on a commencé à se rapprocher en bus du camp.

Puis est arrivé le moment de la visite . Nous avons commencé par le camp d’Auschwitz I le matin, en entrant par la tristement célèbre arche portant l’inscription « Arbeit macht frei « . Comme ce camp était à l’origine une base militaire , il est composé de plusieurs bâtiments en pierre qui sont donc aménagés pour les visites. Puis l’après-midi, nous avons commencé la visite du camp de Auschwitz II en entrant au niveau du long chemin de rail qui est aussi une image forte et symbolique des camps de Auschwitz. Ce n’est pas sur la visite en elle même que je m’attarderai le plus , mais je tiens cependant à dire que la visite fut forte intéressante et que la guide était captivante.

Ce qui me frappa donc le plus , hormis l’atrocité des événements que l’on nous a racontés durant la visite, c’est de ne pas avoir été sous le choc. J’étais dubitatif durant la visite car elle ne créait pas en moi le bouleversement qu’on nous avait annoncé. Je commençais à m’inquiéter comme si j’attendais qu’il se passe quelque chose et qu’il fallait absolument qu’il se passe quelque chose pour prouver que je portais bien un intérêt à tout cela et que ça ne me laissait pas indifférent. Mais je me suis vite rendu à l’évidence qu’il n’est pas forcément nécéssaire de tomber en larme pour prouver notre compassion et que c’était tout à fait normal car chaque personne réagit différemment. En effet, j’ai pu ressentir de grands moments de peine . Par exemple, lorsqu’on traversait des salles où l’on pouvait voir les affaires des déportés et en particulier dans cette fameuse salle où d’innombrables tas de cheveux sont exposés. Une gêne pesante s’abattait ainsi sur moi. Mais j’ai également ressenti de grands moments de colère devant l’inhumanité des nazis. En particulier lorsque la guide nous a montré des poteaux tout en nous expliquant que des déportés étaient accrochés sur ces poteaux ligotés dans du barbelé avec les pieds qui ne touchaient pas le sol, et cela pendant plusieurs heures. Et le plus effroyable étant que cela pouvait arriver à des déportés juste parce qu’ils étaient jugés trop sales; alors que l’on sait bien que pour un déporté, se laver était généralement simplement impossible.

Comme je l’ai dit , il y avait donc un manque d’émotion , comme si après tout ce qu’on nous avait dit sur cette visite, il y avait une déception qui grandissait au fur et à mesure de la visite. Une absence de peur qui fut évoquée par plusieurs de mes camarades lors de discussions après les visites mais même parfois pendant. Cela fut fort déstabilisant , mais après plusieurs conversations j’ai pu être rassuré et je pense que les autres également car on savait désormais que nous n’étions pas seul dans ce cas. J’ai donc voulu trouver des raisons à cette absence de peur et c’est en échangeant avec mes camarades que j’ai pu en trouver plusieurs.

Il est dans un premier temps très difficile de se mettre à la place des déportés et de pourvoir s’imaginer ce qui a pu se passer dans les camps et ce qu’ils ont pu vivre. Même si tout est fait pour nous immerger dans leurs conditions de vie , le fait de voir un grand nombre de visiteurs m’a empêché de me représenter et d’imaginer les événements décrits dans le lieu où je me trouvais. Si bien que je me souviens m’être arrêté quelques secondes de plus que le reste du groupe devant l’inscription « Arbeit macht frei  » , et d’essayer de me mettre à la place de quelqu’un qui rentrait en ces lieux à l’époque.

Au final tout cela semble être irréaliste, on se demande si toute cette horreur s’est réellement passée là où nous nous trouvons. Et c’est surtout ce qui est directement relié aux déportés (objets, valises, vêtements d’enfant ) qui nous permet de se rapprocher d’eux, même si essayer de se mettre à leur place reste définitivement impossible  !

Je pense donc que cette peur fut absente pour une partie de mes camarades et moi-même en partie car il est très difficile de s’imaginer les faits, tellement toute cette atrocité nous paraît surréaliste ! On ne peut donc qu’essayer de se rapprocher des déportés mais sans jamais pouvoir se mettre à leur place.

Mais je pense également que nous étions préparés à cela. C’est à dire que nous ne découvrions pas en arrivant là bas ce qu’avaient subi les déportés. D’une part grâce à notre éducation , puisque nous apprenons dès le collège cette période de l’histoire. Mais également et surtout grâce à tout ce qui nous a été permis de faire et ce que nous avons pu découvrir grâce au projet Matricule 35494 et grâce à ceux qui ont contribué à son bon déroulement tout au long de l’année. Nous préparant ainsi à cette visite finale et nous protégeant de tout bouleversement trop important.

Clément Bézier 

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