Le théâtre de l’horreur – Jules Reniaud

L’endroit est bondé, des gens de toutes nationalités, des voyages organisés… Les touristes viennent en masse voir le théâtre de l’horreur. Les acteurs ne sont plus là mais on peut toujours visiter les coulisses de la machine infernale, s’y prendre en photo ou même en selfie.

J’ai été frappé par l’absence de solennité, de recueillement en mémoire des victimes. J’ai été gêné de fouler ce sol qui fut la scène d’innombrables atrocités, le cercueil de cadavres bafoués. Le quai de la mort, la Judenrampe, est aujourd’hui un lieu où les touristes cherchent le meilleur angle de vue pour la meilleure photo souvenir, où l’on déambule entre amis, où personne ne pleure plus les victimes disparues.

J’ai été frappé par le contraste entre ce que fut ce lieu et ce qu’il est aujourd’hui. Est-ce qu’un camp d’extermination peut devenir un lieu touristique prisé, une destination pour les vacances ? La question de conserver le camp ne se pose pas. Le devoir de mémoire et la lutte contre le négationnisme sont des raisons qui nous empêchent, à juste titre, de faire disparaître cette preuve des crimes nazis. Cependant, peut-on continuer à laisser pénétrer autant de touristes dans le camp ? Mais si on en interdit l’accès, il en résulterait une sacralisation, une mystification du lieu qui ne colle pas non plus avec le but de sa conversation. Auschwitz n’est pas un lieu de pèlerinage ni une destination pour les amateurs de sensations fortes.

Grâce au projet Matricule, nous avons pu être des visiteurs matures et respectueux de la mémoire du lieu. En effet, les axes de recherches personnelles, les nombreux documents mis à disposition sur le blog, les différentes visites (Centre National de la Résistance et de la Déportation, Maison d’Izieu, prison de Montluc) ou encore la chance de rencontrer des témoins vivants nous ont permis d’appréhender au mieux la visite.

Visiter un camp d’extermination est une expérience marquante et permet un regard nouveau sur les choses. L’expérience de Stanley Milgram «  Soumissions à l’autorité » montre que nous sommes prêts à faire confiance aveuglément à l’autorité même si cela va à l’encontre de nos principes moraux. Des milliers de personnes ont participé à la déportation des Juifs, parfois sans  le savoir vraiment, juste par soumission à leur hiérarchie, juste parce qu’ils « suivaient les ordres ». Avec l’expérience marquante que fut la visite du camp d’Auschwitz-Birkenau mais également avec tout le travail fourni pendant l’année, je pense que nous serons capables d’être assez critiques envers l’autorité pour savoir la remettre en question lorsqu’elle nous impose d’agir contre nos principes et pour une idéologie, un dessein peu recommandable. Nous sommes sortis du camp plus grands et plus responsables.

Dans la vie de tous les jours, nous resterons sûrement les jeunes un peu naïfs que nous sommes, mais je pense que les expériences personnelles et collectives de ce voyage en Pologne sauront nous guider dans nos choix futurs.

Merci aux personnes qui ont rendu ce voyage possible !

Jules Reniaud

5 réflexions sur « Le théâtre de l’horreur – Jules Reniaud »

  1. Eine hervorragende Beschreibung des « Unbeschreiblichen »!
    Ehrlich, sachlich und emotional zugleich.
    Ich kann nichts hinzufügen, der Text spricht für sich,
    und ich mache gern ein paar Fotokopien für Freunde.

  2. Jules, merci pour la sobriété et la lucidité de votre compte-rendu de voyage. J’en suis particulièrement touché.
    Tous mes voeux vous accompagnent pour le futur.

  3. Jules, ton texte fait du bien parce qu´il respire l´humanité et l´intelligence, la sensibilité qui est la tienne redonnerait foi en l´humanité au pire des misanthropes.

  4. Jules, très bonne analyse de ton voyage.
    j’aime beaucoup ta phrase :
    AUSCHWITZ n’est pas un lieu de pèlerinage ni une destination pour amateurs de sensations fortes.
    BRAVO…………

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