[Récit] Souvenirs de l’arrestation de Jean Moulin par ma grand-mère, Monique Lavène – Pauline Lavène

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Source : archives privées, famille Lavène

Monique LAVÈNE est née le 07 juillet 1929 à Dole (Jura). De nos jours, à 86 ans, Monique habite un petit village bourguignon en Saône-et-Loire avec son mari avec lequel elle a eu trois enfants.

Sa mère, veuve très jeune à 34 ans, est venue vivre chez ses parents avec ses 4 filles dans la grande maison familiale au bord de Saône à Caluire avec son frère célibataire. Monique a vécu une belle enfance avec ses trois autres sœurs. C’est pourquoi en 2006, un de ses fils la poussa, pour sa famille proche, à écrire un livre autobiographique couvrant la période de son enfance jusqu’ à la naissance de ses petits-enfants.

Un passage précis de son livre, concernant  le 21 juin 1943 à Caluire lors de l’arrestation de Jean Moulin, grand résistant durant la guerre, retient mon attention. Cet événement, sa maman qui se trouvait sur son lieu de travail (à la mairie) situé tout près de la maison du Docteur Dugoujon, y a assisté. De surcroît, Monique Lavène nous fournit des renseignements sur Colette, sa sœur aînée (maintenant décédée) qui était « JUSTE ».

En 1941-1942 (début 42), Lyon (qui était dans la zone libre) était devenue une vraie capitale grouillante de vie et de monde. Colette connaissait beaucoup de gens dans le milieu des écrivains, artistes qui avaient fui Paris. Avec certains d’entre eux, elle avait fondé une revue littéraire locale se nommant « La Folle Evasion » puis un peu plus tard, avec des musiciens, elle fonda le Hot Club de Lyon (groupe de musiciens de Jazz). Une partie de ses amis étaient juifs.

Grand-mère, ta sœur aînée était « JUSTE » ?
« Ce terme là n’existait pas à l’époque. Tout ce que je sais c’est qu’elle avait de nombreux amis juifs musiciens, peintres, écrivains… Et, lorsque la situation est devenue critique pour eux, elle les a cachés et aidés. Certains venaient quelques temps à Caluire en douce, puis disparaissaient pour d’autres cachettes. » 

Ta sœur, en aidant des juifs, a-t-elle eu des problèmes avec les allemands ?
« Pas du tout, ma sœur était elle-même cachée car elle avait épousé un de ses protégés et elle attendait un enfant. Mon oncle leur avait trouvé une maison dans un petit village (Charavine). Des groupes de maquisards s’organisaient un peu partout. Son mari rejoignit un de ces groupes. A ce moment-là ma sœur revint à la maison afin d’accoucher tranquillement. »

As-tu eu peur que ta soeur se fasse arrêter ?
« Bien sur, de toute façon on vivait dans la peur à cette époque : peur des rafles brutales dans les rues, peur des bombardements, peur de cette persécution des juifs qui devenait une vraie folie… »

Par la suite, un événement important s’est produit le 21 juin 1943, il s’agissait de l’arrestation d’un des plus grands résistants français : Jean Moulin. Dans ton livre, même si tu n’as pas vécu cette arrestation, tu l’as évoquée.

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Source : archives privées, famille Lavène. Extrait du livre autobiographique de Monique Lavène concernant l’arrestation de Jean Moulin

Où étais-tu ce 21 juin 1943 et quand est-ce que ta maman  a tenu la famille au courant de cet événement ?
« Moi, j’avais 14 ans à l’époque et j’étais en vacances chez moi. Nous habitions au bord de la Saône juste en bas de la colline de Caluire. Ma mère travaillait à la mairie à cause des cartes d’alimentation qui donnaient beaucoup de travail supplémentaire au personnel de la municipalité. Elle arriva pour le repas bouleversée et les larmes aux yeux. Elle nous a dit « Mon Dieu si vous saviez, les allemands sont venus arrêtés notre pauvre Docteur Dugoujon ainsi que d’autres personnes et si vous aviez vu toutes ces voitures et ces soldats qui tiraient dans tous les sens, nous avons tout observé depuis la terrasse de la mairie qui domine la place Castellane! » Nous étions tous consternés de cette nouvelle… »

Connaissais-tu le Docteur Dugoujon ?
« Bien sur! C’était notre médecin de famille depuis des années. »

Quand as-tu appris qu’avec le Docteur Dugoujon, Jean Moulin avait été arrêté lui aussi ?
« A partir de novembre 1942, la zone libre fut supprimée  et les allemands occupaient toute la France. Ils se trouvaient partout (magasins, transports publics…) et surveillaient la presse, enfin… tout. Quelques jours plus tard, la presse en a parlé et a annoncé l’arrestation de Jean Moulin qui été un très grand résistant durant cette guerre. Pour les allemands, c’était une victoire qu’ils transmettaient à travers les journaux. »

Quelle a été ta réaction en apprenant qu’il s’agissait de Jean Moulin ?
« Ma famille a été navrée de l’arrestation de ce grand chef de la Résistance et en même temps très étonnée d’apprendre qu’une réunion secrète s’était tenue chez ce cher Docteur qui n’avait rien d’un résistant ou alors qui cachait très bien son jeu [Rires] »

D’après-toi de quelle réunion « secrète » s’agissait-il même si cela n’a pas été officiellement révélé bien sur ?
« On ne pouvait faire que des suppositions concernant cette réunion et ceux qui y ont participé. Tout le monde pensait qu’ils (tout le groupe) avaient été trahis par quelqu’un mais je crois bien que nous ne l’avons jamais su. »

Jean Moulin emprisonné et torturé dans la prison Montluc à Lyon, est ensuite transporté vers le Nord de la France, et décède le 8 juillet 1943 à Metz. Comme as-tu appris sa mort ?
« Cette nouvelle nous est parvenue bien plus tard, peut être parce que les allemands voulaient la garder secrète. »

Pauline Lavène – Terminale S

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