[Livre] On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux – Catherine Girbig

On_ne_peut_plus_dormir_tranquille_quand_on_a_une_fois_ouvert_les_yeuxIl y a quelques années, Robert Bober est venu à Cluny, invité par les Cahiers Lamartine. J’avais eu la chance de le rencontrer, et comme tous ses livres m’avaient plu, je m’étais jetée sur son petit dernier: On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux
La photo de couverture est déjà une histoire en soi : un homme tient sur sa main les deux mains d´un enfant photographié dans l´élan d’un équilibre vertigineux. Ce saut improbable, c’est comme une affirmation de la liberté. De l’envie de tout enfant de s’envoler. Les jambes de l’enfant, ce sont ses ailes. Et l’homme au regard un peu préoccupé lui assure, du plat de sa main, des racines.

Dans ce livre, il est question de cinéma, celui de Truffaut, Jules et Jim, celui de Max Ophuls et des Marx Brothers aussi. Il est beaucoup question de Paris, ce qui reste en 1960 du Paris occupé. Il est question d’amour et de rencontres avortées, de petites rues mystérieuses et beaucoup de photographies. Il est question d´une famille juive et polonaise, les Appelbaum-Zygelman, réfugiée à Paris. Il est question de pères qui disparaissent et d’amours multiples. Il y est question de l’enfance et de ses sortilèges. Du sentiment d’injustice et aussi de gens qui ont une mémoire plus grande qu’eux. Des chansons d’Aristide Bruant, du souvenir très parisien de la Commune. Et de l’envie de mettre ses pas dans ceux de son père, envolé un jour sur les toits de Paris près du Cirque d´hiver… et puis disparu en cendres dans le ciel de Silésie. Dans l´histoire, Bernard Appelbaum fait une brève apparition portant une échelle dans Jules et Jim. Il se fait embrasser trois fois par Laura, un grand amour qui ne veut pas de lui. Dans l´histoire, il découvre une tante New-Yorkaise et des peintres et des vendeurs aux puces de Saint Ouen. Dans l´histoire, par amour pour Ruth, il va à Berlin, et pour chercher un souvenir de son père, à Auschwitz. Bernard est parisien. Des bribes de sa mémoire lui sont restituées par le cinéma, par des conversations de comptoir, par les rencontres avec des filles.

Je vous recommande ce livre – j’allais dire ce film. Où est cité ce bel échange de Jules et Jim:

« Que dois-je devenir?
– Un curieux.
– Ce n’est pas un métier.
– Ce n’est pas encore un métier. Voyagez, écrivez, apprenez à vivre partout. L’avenir est aux curieux de profession. »

Catherine Girbig – Professeur d’allemand 

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