Catherine Girbig – Professeur d’allemand

L’idée du projet Matricule 35494 est née au printemps, d’abord au détour de conversations avec Chantal Clergue, relayées par des discussions avec d´autres membres de l’équipe qui s’est constituée peu à peu… Elle a mûri cet été, s’est ficelée grâce au travail de cette équipe solide et bariolée, à nos lectures, à nos idées, à nos spécialités respectives, pour finalement trouver une belle résonance lors de la présentation aux élèves le 15 septembre dernier et se concrétiser dans ce blog qui permet à chacun de communiquer aux autres l’avancée de ses recherches personnelles. 

Notre projet est ambitieux.

Pour ma part, j’enseigne l’allemand, suis également membre d’Amnesty International. Je ne suis pas obsédée par Auschwitz, Sobibor, Treblinka… mais les questions que la Shoah- ses acteurs, ses victimes, ses spectateurs passifs- pose me hantent, et comprendre l’Allemagne accueillante, démocratique, libérée et vibrante de 2015 étant impossible sans repenser les dictatures par lesquelles le pays est passé au siècle dernier, je fais régulièrement travailler mes élèves sur la montée du nazisme, sur les persécutions des Juifs et des Roms , sur la Résistance allemande au Nazisme, et sur la réflexion allemande sur cette culpabilité bien spécifique. Loin de moi l’idée de réduire la rencontre avec l’Allemagne à cette réflexion. Mais elle me semble constitutive de l’éducation d’un jeune Européen.

En plus, le recul que nous avons sur la période, nourri par une réflexion critique sur les films et l’abondante littérature traitant de ce sujet, peut nous aider à appréhender des problèmes très actuels : l’accueil en 2015 des milliers de réfugiés syriens, irakiens, afghans, érythréens… sur le sol européen – les pays qui se ferment (comme d’autres refusèrent jadis de donner asile aux Juifs persécutés fuyant l’Allemagne), ceux qui ouvrent grand leurs portes comme, justement, la République fédérale allemande -, le combat contre les réactions racistes face à cet afflux, la lucidité quant à la permanence de tendances antisémites et racistes sur le sol européen, la lutte contre l’impunité (de ceux coupables aujourd’hui d’atteintes aux droits humains, de persécutions, de massacres).

Comprendre ce qui s’est passé hier nous permettra d’agir demain, j’en suis persuadée. J’ai été bouleversée par l’enthousiasme d’un grand nombre d’élèves lorsque nous leur avons proposé ce projet et suis impressionnée par les premières contributions des jeunes sur ce blog.

Ce projet est l’occasion de multiples rencontres. Pour préparer ce projet, en plus de  lectures dans différentes langues et grâce à Chantal Clergue, j’ai eu la chance de rencontrer d’extraordinaires personnalités clunisoises, d’anciens Résistants, des filles et fils de déportés, un écrivain… Je souhaite aux jeunes de vivre eux aussi des rencontres inattendues grâce à ce projet, le chemin de la compréhension mutuelle et de l’élévation humaine passant, me semble-t-il, par la rencontre intime, qu’elle soit littéraire, artistique ou réelle.

Il me semble enfin que se rendre sur place, sur les lieux même d’un génocide, peut permettre à chacun de se forger une conscience forte, capable de refuser et de combattre le mal qu’un humain peut choisir d’infliger à un autre humain, capable également de préférer toujours la résistance, la solidarité, le rire et l´entraide au préjugé racial et religieux, à la violence verbale ou physique, à la soumission à un pouvoir inique et à la discrimination.

Catherine Girbig – Professeur d’allemand