17 janvier 1975 : loi Veil sur l’interruption Volontaire de Grossesse

28 Janvier 1975, Paris

Ma très chère Sarah,

Enfin, la loi est passée et maintenant – enfin ! – nous pouvons jouir de ce nouveau droit qui nous est accordé. J’admire cette ministre de la santé, Simone Veil, mais avant tout j’admire cette femme, qui se bat pour toutes les femmes.

Enfin une personne qui défend nos droits. Seulement onze jours mais déjà tellement longtemps qu’on l’attendait. Écoute et réécoute ses paroles  :  « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issues. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ?  … » « aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement ».

Avant, l’avortement était si horrible ma sœur… si horrible, pour l’avoir moi même vécu … J’aurais tant aimé avoir pu avorter dans de telles circonstances, si tu savais .. Je n’avais personne avec moi pour me soutenir, seule, la peur au ventre et pas même avec toi. J’ai dû avorter clandestinement à l’étranger pour essayer de survivre, comprends-moi, à l’époque, je n’avais pas les moyens pour me nourrir moi-même. Alors avoir un enfant m’était inconcevable…

Quand je repense à ce fameux procès Bobigny, il y a trois ans, qu’on diffusait partout autour de nous, de cette innocente Marie-Claire. Violée puis jugée, pourquoi ? Pour avoir eu l’audace d’avorter. Qui aurait voulu ne serait-ce qu’accepter un enfant dans de pareilles circonstances, ma sœur ?

Alors je sais que j’aurais dû t’en parler plus tôt, et je m’en excuse mais j’étais emplie de honte et de regrets … Mais plus maintenant, je n’ai plus a en avoir honte. L’avortement autorisé jusqu’à 12 semaines me paraît convenable, faite par un médecin et en milieu hospitalier. Malheureusement, ce n’est pas encore remboursé par la sécurité sociale mais j’espère que cela changera bientôt . Et même après nous pouvons toujours avoir un avortement thérapeutique, c’est-à-dire en cas exceptionnel, pour la mère ou l’enfant.

Plus de vingt-cinq heures de débat ! Mais nous avons enfin réussi. Cette femme défend vraiment toutes les femmes ! Les plus riches comme les plus défavorisées, celles qui n’ont pas un sou et aucune ressource pour s’en sortir, perdues dans notre société actuelle si compliquée parfois.

Voilà pourquoi cette femme est une héroïne, avant elle, plus de 250 femmes sont mortes à cause de l’avortement clandestin, et le pire dans tout cela, c’est que j’aurais pu en faire partie. J’aurais pu être une de ces femmes qui sont mortes à cause d’une société qui les a rejetées. Alors maintenant, Sarah, vivons pour toutes ces femmes qui n’ont pas eu la chance de survivre, et prions pour elles tous les jours.

Marie

Le point d’histoire : en 1975, l’avortement est encore puni par la loi et les femmes qui cherchent à le pratiquer clandestinement risquent la prison. Le 17 janvier 1975, la ministre de la Santé, Simone Veil, fait dépénaliser l’avortement, mais elle doit subir des attaques personnelles et se défendre face aux arguments principalement religieux de ses adversaires.

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